02 Octobre 2012
Nous nous sommes tant aimés
par Julien Beauhaire
Claude Nori aime particulièrement deux choses : la photographie et les femmes. De la première il a fait sa vie : photographe et éditeur. Des secondes il a puisé un motif artistique. La Maison européenne de la photographie lui consacre une exposition.
« Sapore di sale, sapore di mare / che hai sulla pelle, che hai sulle labbra / quando esci dall'acqua e ti vieni a sdraiare / vicino a me, vicino a me », chantait Gino Paoli en 1971. L’été sans fin, rêvé de tous, se poursuit à la Maison européenne de la photographie* à Paris, jusqu’au 4 novembre 2012. Encore quelques semaines pour profiter des idylles adolescentes à Portofino, des balades amoureuses à Naples, des plongeons dans la mer depuis les roches de Stromboli, des jeux sur le sable à Rimini et des siestes enlacées à Florence. L’Italie est comme une femme. Belle et rebelle. Claude Nori, éditeur et photographe, auquel la MEP consacre une très belle rétrospective, l’a bien compris et sait qu’ici-bas l’italien se parle aux femmes.
Photographe et éditeur
Claude Nori occupe une place singulière dans l’histoire de la photographie : à la fois photographe depuis 1968, mais également fondateur depuis 1975 des célèbres éditions Contrejour, rendez-vous immanquable des passionnés d’argentique.
Pour la première fois, l’aventure éditoriale de Contrejour sur près de vingt ans et l’œuvre personnelle du photographe s’installent rue de Fourcy. De la première, on retrouve les titres majeurs de la maison d’édition qu’il crée avec un groupe de copains, agitateurs comme lui. Après 1968, il s’agit de consacrer la photographie et de ne plus reléguer les clichés à une sous-catégorie de beaux arts, sans moyen ni existence propre. Mais Contrejour n’est pas qu’une machine à publier les plus grands, comme Sebastião Salgado, Willy Ronis, Sabine Weiss, Pierre et Gilles ou Robert Doisneau, c’est aussi un magazine et une galerie à Montparnasse. Alain Genestar et Polka avant l’heure. L’ambiance est engagée, spontanée et créatrice. La dernière salle de l’exposition rediffuse d’ailleurs une partie du numéro d’Apostrophes de Bernard Pivot en juin 1979. Claude Nori y présente son Histoire de la photographie française des origines à nos jours, entre les géants Doisneau, Riboud, Silvester, Sontag et Newton, et ne manque pas de dire ce qu’il pense du travail de ses voisins.
« J’ai toujours été en équilibre entre le cinéma et la photographie, entre deux pays et deux cultures, la France et l’Italie, entre les souvenirs heureux et la recherche permanente de ce bonheur qui fut et demeure une source inépuisable de créativité et d’une certaine philosophie de la vie », déclare-t-il.
En pénétrant dans l’autre salle, on plonge dans l’Italie des cartes postales. Pas celles qui glorifient la pizza, le Milan AC ou Monica Bellucci. L’Italie qui s’émerveille devant une jambe découverte à l’arrière d’une Vespa.

Portofino, 1983 © Claude Nori. Collection MEP

Sicile, 1983 © Claude Nori

Ali Terme, Sicile, 1983 © Claude Nori
L’Italie qui se régale de baignades méditerranéennes. L’Italie qui glorifie les amours à l’âge ou l’on n’est, paraît-il, pas sérieux. L’Italie qui encense Monica Vitti. « J’ai toujours été amoureux de l’amour. Lorsque j’ai découvert Monica Vitti dans l’Avventura d’Antonioni, j’ai su immédiatement que je voulais devenir cinéaste pour filmer le visage de la femme que j’aimerai en un plan qui durerait à l’infini. » Alors, pour quelques minutes encore, on replonge en grand format dans les souvenirs passés, comme pour ne pas oublier.

Les amants de Rimini, 1983 © Claude Nori
* À voir également Alice Springs, Choi et Cédric Delsaux, jusqu’au 4 novembre.
La maison d’édition italienne Contrasto, spécialisée dans les beaux ouvrages de photographie, publie pour l’occasion Les désirs sont déjà des souvenirs* qui accompagne l’exposition à la MEP. On y retrouve les moments clés de la carrière de celui qui fut à la fois photographe, écrivain, cinéaste et éditeur français, et qui a diffusé la nouvelle photographie française au milieu des années 1970. On y admire également les clichés émouvants à Rimini, Capri, Amalfi, Catane, Rapallo, Portofino ou Biarritz. De quoi prolonger longtemps l’été indien.
![]() * de Claude Nori (Éditions Contrasto, 176 pages, 35 euros).
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